Plusieurs personnalités ayant marqué l’histoire, ainsi que des personnages issus de l’imagination débordante d’écrivains notoires, ont été victimes d’un poison issu de plantes à la toxicité réelle et souvent méconnue. Nous retiendrons trois plantes qui ont pu être utilisées à de noirs desseins : il s’agit de l’aconit, la cigüe, et la jusquiame, pour conclure une liste que l’on pourrait étoffer encore.
L’aconit
L’aconit contient des alcaloïdes, dont l’aconitine. Cette plante est aussi appelée « herbe aux loups », car elle était employée pour tuer les loups. L’espèce Aconitum napellus est particulièrement dangereuse, notamment par ses feuilles et ses racines : 2 à 4 grammes de racine peuvent terrasser un adulte ! Dans le mythe grec de Jason et des Argonautes, dont l’épopée a pour objectif ultime la conquête de la Toison d’Or, Médée utilisa de l’aconit pour essayer de tuer Jason; lorsque ce dernier manifesta sa volonté de ne plus être son amant. Menacé d’être livré aux Romains, Hannibal, général et homme politique carthaginois, opta avec courage pour le suicide durant l’hiver 183, en avalant du poison qu’il tenait dans une de ses bagues : il s’agissait probablement d’un mélange d’aconit et de ciguë. Notons cependant que l’aconit n’est pas utilisé à des fins exclusivement létales : il est aussi un antidote précieux car efficace au venin des scorpions.
La ciguë
Il existe plusieurs plantes dans la famille des ciguës : la petite ciguë ou « faux persil », dont l’ingestion provoque des troubles digestifs, mais sans être mortelle ; la grande ciguë, dont la tige et les feuilles sont très toxiques et contiennent un alcaloïde puissant, la coniine ; la ciguë vireuse, aux racines toxiques. La ciguë était employée dès l’Antiquité pour donner la mort. L’exemple le plus notoire de cet empoisonnement en vogue durant une période où les Grecs dominaient la Méditerranée est celui de Socrate.En -399, dénoncé par trois personnages en vue, Socrate, âgé de 70 ans, fut jugé par l’Aréopage d’Athènes (un tribunal de 500 citoyens). On l’accusait de « corruption de la jeunesse » et de « négligence des dieux de la cité et pratique de nouveautés religieuses ». Il fut donc condamné à boire une coupe fatale de ciguë, ce à quoi il se résolut, en dépit d’une évasion possible qui aurait pu être orchestrée par certains de ses proches.
La jusquiame
Elle se décline sous diverses variétés dont deux sous nos latitudes européennes : la jusquiame blanche et surtout la plus toxique qui retient notre attention à savoir la jusquiame noire également hallucinatoire. La jusquiame signifie littéralement en latin « fève de porc » : cela nous renvoie à l’épisode de l’Odyssée durant lequel la magicienne Circé transforma en pourceaux les acolytes d’Ulysse en leur faisant boire un philtre contenant de la jusquiame. Mais Ulysse était immunisé contre grâce à un antidote végétal, le moly, dont Hermès lui avait fait présent. En 1881, les touaregs anéantirent la mission Flatters en lui offrant des dattes empoisonnées au suc de jusquiame ; Shakespeare, dans sa célèbre tragédie Hamlet, nous offre l’un des meurtres les plus célèbres de la littérature anglaise : le père d’Hamlet est tué par son propre frère, pendant son sommeil, par l’introduction sournoise et discrète dans l’oreille, d’un poison à base de jusquiame.