Etienne, 25 ans, psychotique…
Propos recueillis par Marie-Dominique Serdat
ETIENNE, 25 ANS, PSYCHOTIQUE …
Etienne est arrivé de Corée chez nous à 3 ans. Son intégration s’est faite rapidement aussi bien dans notre famille qu’à l’extérieur, à l’école. Mais je remarquais très vite des difficultés d’attention, des comportements incompréhensibles, une certaine instabilité que nous mettions sur le compte de son vécu d’enfant abandonné, puis adopté, et aussi de la différence de culture.
Sa scolarité s’est passée tant bien que mal : plusieurs fois nous avons demandé l’intervention du psychologue scolaire mais les enseignants n’en voyaient pas l’utilité!!!
Après son brevet, il a demandé à intégrer les Compagnons du devoir pout une formation en menuiserie.
C’est au cours du premier trimestre qu’il a commencé à nous raconter des choses bizarres.
NOUS FAISIONS CONNAISSANCE AVEC LE DELIRE, LES HALLUCINATIONS…
Nous avons cherché à vérifier toutes ces « choses bizarres » : tout semblait vrai tant il y avait de détails : « quelqu’un l’avait choisi et lui avait donné la mission de réunir ses « frères » et de les sauver. Il en avait la responsabilité » !!! Nous faisions connaissance sans le savoir avec le délire et les hallucinations!!!Puis il a commencé à avoir des réactions verbales très violentes et même physiques quelquefois (un jour, il est arrivé avec un couteau sur moi), tant avec nous qu’avec des personnes extérieures.
Le plus petit accroc prenait des proportions énormes…De plus il se mettait à dépenser de l’argent sans compter. Tout devenait difficile à vivre.
IL FAUT VOIR UN PSYCHIATRE DES CE SOIR!!!
Nous sommes allés avec Etienne voir son généraliste qui nous a dit : « cette fois ci, ce n’est plus de mon ressort, il faut aller voir un psychiatre dès ce soir. »
Ce que nous avons fait, et Etienne a été hospitalisé au CHS de la Chartreuse dès le lendemain matin…
Ce fut le début d’un long processus qui se poursuit aujourd’hui et se poursuivra sans doute toute sa vie, puisqu’on ne guérit pas d’une psychose, même si elle peut être stabilisée pendant de longues périodes.
LORSQUE VOTRE ENFANT EST DIAGNOSTIQUE PSYCHOTIQUE, LE CIEL VOUS TOMBE SUR LA TETE!!!
Dès cette première rencontre avec le psychiatre, le Docteur MILLERET, nous avons été dirigés sur l’UNAFAM : l’Union Nationale des Amis et Familles de malades psychiques
Cette association a pour but de rompre l’isolement des familles.
Lorsque votre enfant est diagnostiqué « psychotique », le ciel vous tombe sur la tête !!!Nous avons donc pris très vite contact car nous n’envisagions pas de vivre cela seuls, comme beaucoup de familles qui se referment sur elles et rompent tous liens, au risque de voler en éclats, parce qu’elles ne peuvent plus gérer.
TENTATIVES DE SUICIDE REGULIERES ET PRISE DE MEDICAMENTS…
En 7 ans, il a fait connaissance avec de nombreuses structures et de nombreux lieux de vie de la région, qu’il a souvent quittés en catastrophe, n’hésitant pas, pour faire pression sur l’équipe médicale et sur nous-mêmes, à faire des tentatives de suicides en avalant des médicaments ou en se jetant de lieux en hauteur…
Son objectif était d’intégrer un appartement protégé, nous avons donc trouvé en catastrophe un studio en Juin 2009 et depuis, il n’a pas eu d’hospitalisation et semble se « stabiliser », bien qu’il parlait de redéménager il y a encore une quinzaine de jours, pour vivre au centre ville.
Nous avons eu la chance de trouver cet appartement, dans les mêmes locaux que son CMP (centre médico-psychologique), il est situé à 4 kms de chez nous, ce qui donne à Etienne une certaine liberté tout en le sécurisant.
EST-CE QU’IL TRAVAILLE ? COMMENT SE PASSE SA VIE ?
Etienne n’a jamais et ne peut pas travailler. En revanche, il bénéficie de toutes les activités du CMP :
– activités sportives et artistiques
– soutien de l’équipe soignante
– il fait ses courses et se fait à manger
– est capable de prendre le bus…
QUELS CONSEILS DONNERIEZ-VOUS ?
SOUVENT LA FAMILLE VOLE EN ECLAT, LES HOMMES S’EN VONT…
Consulter immédiatement un Pédopsychiatre.
Ne pas rester seuls, se faire aider en intégrant une association car être confronté à cette maladie, c’est épuisant…Souvent les familles veulent régler le problème toutes seules, mais elles volent souvent en éclat et les hommes s’en vont.
On ne sait jamais ce qui va se produire, on vit au jour le jour, d’une heure à l’autre tout peut arriver. Le problème est que les gens atteints de cette pathologie en jouent inconsciemment : on ne sait jamais s’ils pensent vraiment ce qu’ils disent, ou si c’est pour faire plaisir. Ils peuvent avoir un discours différent pour chaque personne.
Nous avons eu la chance d’avoir pour Psychiatre de secteur le Docteur MILLERET, qui travaille étroitement avec les familles et leur donne leur place dans le processus de soins, ce n’est pas toujours le cas. En général, les gens sont renvoyés dans leur foyer et sont désignés comme « coupables ».
IL FAUT RESTER ATTENTIF AU RESTE DE LA FAMILLE…
Il ne faut pas oublier les autres enfants qui ont besoin aussi que l’on s’occupe d’eux.
Pour nous, la famille est restée soudée, Etienne a un frère aîné « biologique »qu’il admire, toute ma famille ainsi que celle de mon mari se sont montrées présentes et bienveillantes.
Mais une question reste posée : aurions-nous aussi bien réagi si Etienne avait été notre enfant biologique ? On ne peut pas savoir !!!!
QUE VOUS APPORTE L’UNAFAM ?
Une manière plus « détendue », plus distanciée d’envisager et de vivre la maladie de notre fils. Il est difficile de parler de maladie psychique avec des personnes qui ne sont pas touchées. C’est un sujet qui fait encore peur et les malades sont stigmatisés.
Une attention aux autres par des permanences d’écoute auxquelles j’ai participé pendant 6 ans, au CHS de La CHARTREUSE, tous les Mardis.